La mort vient toujours à son heure, nous dit-on. Mais était-ce la bonne heure pour Sidy Lamine Niasse ? Je ne suis jamais retourné dans cette réunion ce matin dans la corne de l’Afrique, alors que je me trouvais, durant la pause, à survoler les sites internet de mon pays pour lire l’actualité. Quand je suis tombé sur la nouvelle : « Décès De Sidy Laminé Niass : Pluie D’hommages En Direct Sur Walf Tv », une grande tristesse m’a soudainement habité, on dirait même un désarroi.
Je ne suis pas un diplômé en langue arabe ou un arabisant. Qu’est-ce que Sidy n’a pas sacrifié pour le respect et l’affirmation des diplômés en langue arabe longtemps relégués au second plan par un clan des intellectuels issus de l’école française ? Sidy s’est battu corps et âme pour la reconnaissance de ces diplômés dans notre pays. Pour la reconnaissance tout court de ceux qui n’ont pas fait « école des blancs ». Il était un symbole vivant de la diversité intellectuelle.
Je ne suis pas un journaliste ou homme de media qui aurait été formé par Sidy ou aurait appris quelque chose de lui dans les sciences et affaires médiatiques. Mais qui ignore le rôle de précurseur, de baliseur des voies impraticables, de leader infléchissable des luttes les plus ardues, que Sidy a joué pour construire et animer une partie importante de ce que le monde médiatique de fierté est dans notre pays aujourd’hui. « L’Aurore » comme il l’a appelée a permis de voir au Sénégal les premiers rayons de liberté de presse obtenue de brave percée par des sénégalais dont Sidy était l’un des meneurs.
Je ne suis pas un talibé de Sidy directement. Nul n’ignore l’extrême gentillesse de Sidy envers les talibés de toutes les communautés au Sénégal. Qu’est-ce que Sidy n’a pas fait pour le rayonnement de l’Islam au Sénégal et pour le rapprochement des familles religieuses sénégalaises. Sidy a montré de manière efficace ce que devait être le rôle des descendants de saints comme exemples vivants de clairvoyance et de sacrifice pour tous, sans user de son avantage d’être le fils d’un des plus grands érudits et saints de l’Islam au Sénégal.
Je ne suis pas un expert pointu de quelque domaine que ce soit, ou un homme politique que Sidy aurait révélé à la suite d’une émission phare sur ses ondes. Que d’intellectuels, de chercheurs, d’hommes politiques que Sidy a révélés dans une de ses excellentes émissions dont il était le seul à avoir le secret. D’ailleurs, la plupart d’hommes politiques ou intellectuels qui deviendront ses ennemis déclarés lorsqu’ils changeaient de bord, du fait que Sidy était intraitable et immuable sur les valeurs sociales et démocratiques.
Je pourrais encore citer beaucoup d’autres catégories, sans compter sa famille, qui ont eu l’avantage d’avoir été en contact direct avec Sidy et qui viennent de perdre un pan de leur existence. J’ai pu écouter beaucoup de témoignages venant de ces franges, surtout des hommes du media qui ont inondé les plateaux de très beaux témoignages sur leur mentor, leur guide, leur leader et patron pour la plupart.
Mais laissez-nous, nous autres qui ne faisons pas partie de ces catégories directement liées à Sidy, de dire notre détresse, et combien notre perte est grande. Je suis un simple citoyen sénégalais, qui adore le débat contradictoire, qui aime Sidy en tant qu’alerteur, éveilleur et pilier essentiel du jeu démocratique au Sénégal. Nous sommes aujourd’hui orphelins. La voix de Sidy est partie, la voix des sans voix. Sidy nous disait toujours à travers Césaire : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche… Ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ».
Que la terre lui soit légère.
Source : yerimpost.com